L'enfance comme une gomme balloune
Étirer l'enfance: bienfait insoupçonné de l'école à la maison
Ils jouaient à étirer leur gomme, et à se la coller sur le nez. J’ai souri.
On parle souvent d’un temps dit révolu, où les enfants jouaient jusqu’à l’aube de leur vie adulte. “À 12 ans je jouais encore à la barbie” et autres nostalgies.
Et si je vous disais que c’était encore possible?
Et je vous disais que je pense que l’école-maison contribue à étirer l’enfance?
J’y ai pensé souvent, au cours des dernière années, en observant les kids autour de moi. Ma conviction s’est concrétisée dernièrement, en regardant ma petite adolescente jouer à la pâte à modeler avec son frère et sa soeur. Elle ne jouait pas pour leur faire plaisir. Elle AVAIT du plaisir.
Je me souviens pourtant d’une époque, pas si lointaine, où ma fille allait à l’école. Elle avait cinq ans et était fan de patpatrouille, comme toute sa génération. Elle est pourtant rentrée un jour d’automne en annonçant qu’elle ne voulait plus mettre son chandail à l’effigie des chiots superhéros, parce que “tout le monde dit que c’est pour les bébés”.
Une petite histoire anecdotique, qui témoigne pourtant d’une réalité que plusieurs parents me confirment: l’école (ou la société, l’école en étant une mini version) semble accélérer le vieillissement des enfants.
En marketing, un acronyme circule depuis une vingtaine d’années pour décrire ce phénomène: KGOY, qui signifie Kids Getting Older Younger. On parle ici d’enfants qui sont plus sophistiqués dans leurs choix, plus matures et aspirant à la vie d’ado, floutant les frontières de l’enfance.
Pour Michel Fize, chercheur, sociologue français et auteur de plusieurs livres sur l’adolescence et la famille, c’est finalement la société qui remodèle les classifications d’âge: “La période 8-14 ans est aujourd’hui ce que j’appelle l’adolescence. En effet, le contexte médiatico commercial a poussé les enfants à quitter le monde de l’enfance pour celui plus prestigieux de l’adolescence. L’idée que la coupure se fait à 11 ans est révolue”.
Si l’on combine cette réflexion moderne à celle énoncée en 1762 par Jean-Jacques Rousseau, il y a de quoi hausser les sourcils:
"La nature veut que les enfants soient enfants avant que d'être hommes. Si nous voulons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces, qui n'auront ni maturité ni saveur, et ne tarderont pas à se corrompre ; nous aurons de jeunes docteurs et de vieux enfants. L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ; rien n'est moins censé que d'y vouloir substituer les nôtres."
Ce qui est paradoxal, c’est que les enfants ont beau “vieillir plus vite”, ils sont aussi plus lents à être autonomes. But that’s a story for another day.
Garder ses enfants hors du système scolaire, c’est aussi pour moi réduire l’influence extérieure et suivre le rythme naturel de l’enfance. Et offrir plus d’espace pour étirer et souffler l’enfance comme une gomme balloune.
Avant qu’elle n’explose.
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